Le maire ne peut pas s’opposer à la transmission d’un procès-verbal Abonnés
Dans une affaire, un audit d’un service de police met en évidence de très nombreux dysfonctionnements. Par exemple, 3 619 procès-verbaux (PV) concernant des infractions de stationnement ont été annulés entre 2009 et 2013. Le juge d’instruction met en évidence que le maire s’est arrogé le pouvoir d’annuler ces PV, lorsqu’il était saisi de réclamations des contrevenants. Ces faits sont attestés par des courriers signés du maire qui informe les requérants des directives qu’il donne en ce sens aux policiers municipaux. Pour se justifier, le maire invoque plusieurs arguments, tous irrecevables.
Tout d’abord, le maire indique qu’il est officier de police judiciaire, mais selon lui, « à statut spécial non soumis à l’autorité du procureur de la République ». Il pourrait donc décider de transmettre ou non des PV au parquet. Rappelons qu’aux termes de l’art. 16 du code de procédure pénale (CPP), « ont la qualité d'officier de police judiciaire : 1/les maires et leurs adjoints (…) » (voir également, art. L. 2122-31, code général des collectivités territoriales). S’il est vrai que les procureurs délivrent peu d’instructions aux maires, en revanche, ces derniers sont en permanence soumis à certaines obligations. Ainsi, « les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer sans délai le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance » (art. 19, CPP). Dès lors, les maires ne peuvent pas décider de l’opportunité de la suite qui doit être réservée à un procès-verbal. Cette prérogative relève du seul procureur. En effet, le procureur décide s’il est opportun « 1/soit d'engager des poursuites ; 2/ soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites (…) ; 3/soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient » (art. 40-1, CPP). Les juges rappellent donc logiquement que le maire qui se substitue au procureur en statuant sur l’opportunité de suites à donner s’immisce dans ses fonctions du parquet, ce qui constitue un délit. En effet, « est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, par toute personne agissant sans titre, de s'immiscer dans l'exercice d'une fonction publique en accomplissant l'un des actes réservés au titulaire de cette fonction » (art. 433-12, code pénal, CP).
De plus, ce maire délivrait également aux policiers l’ordre formel de ne pas transmettre certains PV. Là encore, les juges relèvent que le maire s’est indûment immiscé dans l’exercice d’une fonction. D’une part, les policiers municipaux « doivent constater, par procès-verbaux, les contraventions de non-respect des arrêtés de police du maire ainsi que (…) les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par les articles R. 130-1-1 à R. 130-3 de ce code (…) » (art. R.15-33-29-3, CPP). D’autre part, et surtout « sans préjudice de l'obligation de rendre compte au maire (…), les agents de police municipale rendent compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance. Ils adressent sans délai leurs rapports et procès-verbaux simultanément au maire et, par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire mentionnés à l'alinéa précédent, au procureur de la République » (art. 21-2, CPP). Là encore, le maire ne pouvait pas donner la consigne à ses policiers de ne pas transmettre certains PV sans s’immiscer dans des actes réservés à l’exercice de leurs fonctions.
Le maire ne peut pas demander l’effacement des saisies dans le logiciel des amendes forfaitaires
Le maire demandait en conséquence d’annuler les références de la souche ou de la carte maîtresse de l’infraction enregistrée sur le logiciel afin d’éviter toute communication au Trésor public. Ce faisant, le maire a commis un second délit, car « le fait de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou des effets, pièces ou titres en tenant lieu ou tout autre objet, qui ont été remis, en raison de ses fonctions, à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, à un comptable public, à un dépositaire public ou à l'un de ses subordonnés, est puni de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende » (art. 433-4, CP).
Prendre des mesures destinées à faire échec à la loi est un délit
Le maire a également adressé une note de service aux policiers, dans laquelle il leur demande de ne pas verbaliser les contrôles de vitesse, les usages de téléphone au volant, l’absence de contrôle technique. Pour les juges, « en donnant des instructions à des policiers municipaux placés sous son autorité, de ne pas constater certaines contraventions qu’il leur appartenait cependant de relever dans le cadre de leur mission d’agents de police judiciaire adjoints, qu’ils exercent sous la seule autorité du procureur », le maire a commis un 3ème délit ; en effet « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi, est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » (art. 432-1, CP). Les juges confirment la condamnation du maire à une amende de 30 000 €.
Cour de Cassation, n° 17-81.011, 21/03/2018.
Kelly Pizarro le 02 mai 2018 - n°29 de Police municipale et Pouvoirs de police du maire
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