Comment agir pendant l’état d’urgence Abonnés
Le Conseil des ministres déclare l’état d’urgence par un décret, pour une durée maximale de 12 jours. Ce décret détermine les circonscriptions dans lesquelles l’état d’urgence sera applicable. Au-delà de 12 jours, la prorogation de l'état d'urgence ne peut être autorisée que par la loi, qui fixe sa durée définitive. Actuellement, c’est le décret n° 2015-1475 du 14/11/2015 et la loi n° 2015-1501 du 20/11/2015 qui ont instauré puis prorogé l’état d’urgence pour une durée de 3 mois, à compter du 26/11/2015.
L'état d'urgence peut être déclaré dans deux situations :
- 1/soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public,
- 2/soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique (voir art. L 213-1, code de la sécurité intérieure, CSI), loi n° 55-385 du 3/04/1955 relative à l’état d’urgence, modifiée par la loi n° 2015-1501 du 20/11/2015).
Le Gouvernement doit informer, sans délai, l’Assemblée nationale et le Sénat des mesures qu’il prend. La loi prolongeant l’état d’urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours en cas de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale.
Le préfet peut restreindre la circulation des personnes et des véhicules
Le préfet dispose de pouvoirs très étendus pendant l’état d’urgence. Il peut ordonner « la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion ». Il peut interdire « les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre » (art. 8, loi de 1955). Il peut également interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans certains lieux et à certaines heures (Conseil d’État, CE, 22/04/1966), instituer des zones de sécurité où le séjour des personnes est réglementé, interdire le séjour à toute personne cherchant à entraver l'action des pouvoirs publics dans tout ou partie du département (art. 5, loi de 1955).
Le préfet peut encore ordonner la remise des armes et des munitions relevant des catégories A à C, acquises légalement ou détenues illégalement, ainsi que celles soumises à enregistrement relevant de la catégorie D (art. 9, loi de 1955 ; voir également art. L 311-2, CSI). Toutefois, les arrêtés du préfet devront être adaptés aux nécessités de maintien de l’ordre public (Conseil d’État, CE, 16/12/1955).
Le maire et les policiers municipaux doivent signaler toutes les infractions aux arrêtés du préfet, tant à ce dernier qu’au procureur de la République (art. 16, 19, 21-2, code de procédure pénale). En effet, ces infractions particulières sont passibles de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende (art. 13, loi de 1955).
Enfin, prérogative encore plus exceptionnelle, le préfet peut ordonner « des perquisitions en tout lieu, y compris de domicile, de jour et de nuit lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics » (art. 11, loi de 1955). Le préfet doit informer sans délai le procureur de la République de cette décision. La perquisition doit se dérouler en présence d'un officier de police et en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins. Seuls les lieux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition (Nota : le ministère de l’Intérieur peut également décider de l’essentiel de ces mesures).
Le ministre de l’Intérieur peut interrompre des sites de l’Internet
Le ministre de l’Intérieur peut prononcer des assignations à résidence. Elles concernent toute personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Le ministre peut prescrire à cette personne une présentation périodique aux forces de l’ordre. Le ministre peut également prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout site de l’Internet qui provoque à la commission d'actes de terrorisme ou qui en fait l'apologie. Par ailleurs, le Conseil des Ministres peut dissoudre par décret « les associations ou groupements de fait qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent » (art. 6-1, loi de 1955). Enfin, le Gouvernement peut procéder à toutes réquisitions de personnes, de biens et de services (art. 11, loi de 1955 ; art. L 2141-3, code de la défense). Bien entendu, même sans réquisition, le préfet peut inviter les services de police municipale à une vigilance particulière.
Le préfet peut imposer aux communes l’installation d’un système de vidéoprotection
Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le justifient, le préfet peut imposer aux communes (comme à toute personne morale) l’installation d'un dispositif de vidéoprotection, sans avis préalable de la commission départementale de vidéoprotection. Cette dernière est néanmoins informée sans délai lorsqu’il s’agit de filmer la voie publique ou des lieux ou établissements ouverts au public (art. L 223-5, CSI).
Rappel : cette procédure s’applique même en-dehors des périodes d’état d’urgence.
Le préfet peut également solliciter les communes pour qu’elles procèdent à l’installation d’un système de vidéoprotection, afin de prévenir les actes de terrorisme. Le préfet adresse au maire les motifs qui font craindre de tels actes. Le conseil municipal doit délibérer dans les 3 mois sur cette proposition. Les conditions de financement, de fonctionnement et de maintenance du système de vidéoprotection font l'objet d'une convention conclue entre la commune et le préfet. Cette dernière est applicable pour une durée de cinq ans renouvelable (art. L 223-8, R 223-2, CSI).
Par ailleurs, les communes peuvent demander au préfet l’autorisation de mettre en place un dispositif de vidéoprotection pour assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, ou encore pour assurer la sécurité des personnes et des biens dans les lieux et établissements ouverts au public, lorsqu’ils sont susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme (art. L 223-1, CSI). L'installation du dispositif est subordonnée à une autorisation préfectorale, après avis de la commission départementale de vidéoprotection.
Par ailleurs, lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le justifient, le préfet peut délivrer aux communes « sans avis préalable de la commission départementale de vidéoprotection, une autorisation provisoire d'installation d'un système de vidéoprotection (…) pour une durée maximale de quatre mois » (art. L 223-4, CSI).
L’état de siège et les circonstances exceptionnelles
Le Conseil des Ministres peut déclarer l’état de siège « en cas de péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection armée ». Dès que l’état de siège est décrété, les pouvoirs de police sont transférés à l’autorité militaire (art. L 2121-1 et svts, code de la défense).
Par ailleurs, la jurisprudence admet un autre régime dérogatoire au droit, dit « théorie des circonstances exceptionnelles » (CE, 28/06/1918, Heyriès). Il s’applique pour répondre à un événement réellement exceptionnel (guerre, cataclysme, insurrection), dans des situations où il n’est pas possible d’agir dans le cadre légal habituel (le plus souvent en raison d’une urgence exceptionnelle), et pour un intérêt suffisamment important. Dès lors, le Gouvernement pourra prendre des mesures qui dérogent tant aux règles de procédures que de compétences (dissolution d’un conseil municipal même en l’absence de dissensions, interdiction d’exercer certaines activités commerciales, etc... ; voir CE, 3/11/1999 ; CE, 28/02/1919, dames Dol et Laurent).
Enfin, le régime dérogatoire dit « des pleins pouvoirs » bénéficie au président de la République. Ainsi, « lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la nation par un message (art. 16, Constitution du 4/10/1958).
Antoine Laloy le 04 janvier 2016 - n°3 de Police municipale et Pouvoirs de police du maire
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