La loi du 13 juin 2025 contre le narcotrafic est porteuse de beaucoup d’avancées pour les gendarmes et les policiers nationaux, même si les maires et les policiers municipaux ne disposent pas encore de toutes les prérogatives qui seraient nécessaires Abonnés
La loi crée « un service chef de file national en matière de lutte contre la criminalité organisée » (article L.121-1 du code de la sécurité intérieure, CSI). Un arrêté précisera ses conditions de fonctionnement. Le service devra « 1° [i]mpulser, animer, piloter et coordonner l’action interministérielle des services de l’état qui y concourent, dans le respect de leurs missions, de leurs pouvoirs et de leur autorité de rattachement ». Il aura également pour mission « 2° [d’o]rganiser les échanges d’informations utiles à l’accomplissement de leurs missions » et « 3° [d’i]nformer chaque année la représentation nationale de l’adéquation des moyens juridiques, matériels et humains qui lui ont été conférés aux missions dont il est chargé ». On le voit, aucune disposition ne prévoit l’intervention des maires et des policiers municipaux, alors qu’ils sont pourtant des relais territoriaux importants et incontournables pour l’éradication du narcotrafic.
Les maires doivent continuer d’intervenir
Le maire doit toutefois être informé par le préfet des mesures de fermeture administrative prises sur le territoire de la commune (article L. 132-3-1 du CSI). Si les maires devaient initialement pouvoir aussi fermer les établissements recyclant de l’argent, cette prérogative a finalement été dévolue au seul préfet. Ainsi, « la fermeture de tout local commercial, établissement ou lieu ouvert au public ou utilisé par le public peut être ordonnée, pour une durée n’excédant pas 6 mois, par le préfet » (article L. 333-2 du CSI).
Un officier de police judiciaire (OPJ) se trouvant en présence d’une infraction de narcotrafic doit, par ailleurs, prévenir le procureur et, dorénavant, un procureur spécialisé dans la lutte contre le narcotrafic (article 706-74-2 du code pénal, CP). Ce nouveau procureur peut requérir, par délégation judiciaire, tout procureur de la République de procéder ou de faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions de narcotrafic. Les jugements seront rendus par des juridictions spécialisées.
Les ministres de l’Intérieur et des Finances peuvent geler l’argent lié au narcotrafic
En effet, « le ministre chargé de l’économie et le ministre de l’intérieur peuvent décider conjointement, après information du procureur de la République anti-criminalité organisée, pour une durée de 6 mois renouvelable 7 fois, le gel des fonds et des ressources économiques : 1° [q]ui appartiennent à ou sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent un trafic de stupéfiants ou y participent et qui présentent une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics en raison de leur rôle dans ce trafic et de son ampleur ». Il s’agit donc de pouvoir asphyxier les détenteurs de fonds irréguliers. Il en est de même des fonds « 2° [q]ui appartiennent à ou sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par les personnes mentionnées au 1° ou agissant sciemment pour le compte ou sur instructions de celles-ci. » (article L. 562-2-2 du Code monétaire et financier).
2. Le recours à des mineurs pour du narcotrafic est désormais sévèrement puni
La loi crée un article 222-37-1 du code pénal, ainsi libellé : « 1. - [l]orsque les infractions prévues aux articles 222-35 à 222-37 (notamment le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants) sont commises par un majeur agissant avec l’aide ou l’assistance, directe ou indirecte, d’un mineur pour le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou la vente de stupéfiants, les peines privatives de liberté encourues sont portées à :
1° 15 ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de 10 ans d’emprisonnement ;
2° 30 ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de 20 ans de réclusion criminelle ;
3° La réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction est punie de 30 ans de réclusion criminelle.
L’aide ou l’assistance d’un mineur peut être caractérisée par tout acte de sollicitation, d’incitation ou d’organisation ayant pour effet d’intégrer un mineur dans un réseau de trafic de stupéfiants ».
Le nouvel article 227-18-2 du code pénal précise en outre que « le fait de publier, sur une plateforme en ligne ou sur un service de réseaux sociaux en ligne […] un contenu accessible aux mineurs proposant aux utilisateurs de transporter, de détenir, d’offrir ou de céder des stupéfiants ou de se rendre complice de tels actes est puni de 7 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ».
3. La loi précise les contours des organisations criminelles et protège les forces de l’ordre
La loi s’est attachée à préciser dans le code pénal les contours de la criminalité organisée pour mieux la combattre : « 1. - [c]onstitue une organisation criminelle toute association de malfaiteurs prenant la forme d’une organisation structurée entre ses membres et préparant un ou plusieurs crimes et, le cas échéant, un ou plusieurs délits mentionnés aux 1° à 10°, 12° à 14° et 17° de l’article 706-73 du code de procédure pénale. Le fait de concourir sciemment et de façon fréquente ou importante à l’organisation ou au fonctionnement d’une organisation criminelle, indépendamment de la préparation d’une infraction particulière, est puni de 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende » (article 450-1-1 du du code pénal).
Il est important de souligner que « lorsque l’infraction préparée est un crime pour lequel la loi prévoit une peine de réclusion criminelle à perpétuité ou une répression aggravée en cas de commission en bande organisée, la participation à une association de malfaiteurs est punie de 15 ans de réclusion criminelle et de 225 000 euros d’amende » (article 450-1 du code pénal).
Des évolutions inscrites dans le code de procédure pénale
Ainsi, « sans préjudice de l’article 131-30-2, l’interdiction du territoire français est prononcée par la juridiction de jugement dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de 10 ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable de l’une des infractions définies aux articles 222-34 à 222-38 (infractions relatives aux stupéfiants). Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur » (article 131-30-3 du code pénal).
Au surplus, « le fait de révéler qu’une personne fait usage d’une identité d’emprunt en application du présent titre ou de révéler tout élément permettant son identification ou sa localisation ainsi que celle de ses proches est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, des violences à l’encontre de cette personne ou de l’un de ses proches, les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende. Les peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, la mort de cette personne ou de l’un de ses proches » (article 706-62-2 du code de procédure pénale).
Une autre innovation consiste en ce que les professionnels « accompagnant les mineurs dans le cadre d’une procédure pénale relative aux infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale, dont la liste est définie par décret [cela concerne majoritairement les stupéfiants et la criminalité organisée], peuvent être autorisés par le procureur général compétent à ne pas être identifiés par leurs nom et prénom lorsque la révélation de leur identité est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de leur mission ou de la nature des procédures pour lesquelles ils accompagnent les mineurs, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celles de leurs proches. Cette autorisation permet aux personnes qui en bénéficient d’être identifiées par un numéro anonymisé. L’identité des professionnels ne peut être communiquée que sur décision du procureur général compétent. Elle est également communiquée, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits » (article 706-105-4 du code de procédure pénale).
Enfin, « les services de police et de gendarmerie ainsi que les agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-1 peuvent rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l’identification des auteurs de crimes ou de délits. Les modalités de la rétribution de ces informateurs sont déterminées par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et du ministre chargé des finances » (article 15-6 du code de procédure pénale).
Il faut savoir que « peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne soupçonnée d’avoir commis au-delà de la mer territoriale française l’infraction de participation à une association de malfaiteurs prévue à l’article 450-1 du code pénal, lorsque ladite association de malfaiteurs a été formée ou établie en vue de commettre sur le territoire français une ou plusieurs autres infractions mentionnées au 2° de l’article 1er de la présente loi. » (article 5 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l’exercice par l’état de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales).
4. Le recours à des informateurs
Le législateur s’est également inspiré des dispositions d’autres pays, notamment d’outre-Atlantique. Une nouvelle disposition du code pénal indique par exemple que « toute personne qui a tenté de commettre les infractions prévues à la présente section est exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter leur réalisation ». Elle ajoute que « [l]a peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice de l’une des infractions prévues à la présente section est réduite des deux tiers si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser la réalisation de l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices » (article 222-67-1 du code pénal).
Jean-Philippe Vaudrey le 04 septembre 2025 - n°162 de Police municipale et Pouvoirs de police du maire
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