Le policier municipal victime d’un accident de trajet doit percevoir sa rémunération Abonnés
Tout d’abord, « est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l’enquête permet à l’autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l’accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l’accident du service » (art. L. 822-19, code général de la fonction publique ; voir également décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2023). La reconnaissance d’un accident de trajet ouvre droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) qui garantit au policier son traitement jusqu’à sa reprise ainsi qu’une allocation temporaire pour invalidité (ATI) s’il peut travailler. A défaut, le policier perçoit une rente viagère d’invalidité.
Important : le policier municipal doit apporter la preuve des faits.
Remarque : l’agent stagiaire victime d’un accident de trajet doit bénéficier d’une prorogation de stage (cour administrative d’appel de Lyon, n° 23LY03483, 25 avril 2024).
L’accident de trajet doit être rattaché au service
L’accident de trajet doit survenir pour ou à l’occasion des fonctions, diminué le cas échéant de la faute de la victime. Une faute constatée, à l’image d’une alcoolémie de 1,3 gramme, pourra exonérer la commune de ses obligations (voir Conseil d’Etat, n° 246162, 23 mai 2003). Il en est de même lorsqu’un agent participe à un repas de service au cours duquel des boissons alcoolisées sont consommées. Dans cette affaire, l’agent regagne ensuite son domicile au moyen d’un scooter de service et perd le contrôle de son véhicule alors qu’il circule sur l’autoroute à une vitesse d’environ 110 km/h. Il heurte de fait un camion, avant d’être projeté sur une voie de circulation où il est percuté par le véhicule qui le suivait. Il décède. Le taux d’alcool dans le sang de l’agent fait l’objet de deux analyses distinctes par deux laboratoires différents. Ce taux est estimé entre 0,89 g et 1,07 g/l de sang. Pour les juges « le choix délibéré de l’agent de conduire sous imprégnation alcoolique est constitutif d’un fait personnel rendant l’accident détachable du service. C’est sans erreur de droit que la cour en a déduit que, quand bien même l’accident s’était produit sur le parcours habituel et pendant la durée normale du trajet entre le lieu de travail de l’agent et sa résidence, cet accident ne pouvait pas être regardé comme imputable au service » (Conseil d’Etat, n° 459023, 3 novembre 2023). Dans une autre espèce, un agent se fait conduire sur son lieu de travail et son conducteur provoque un accident. L’agent est blessé. On considère dans ce cas qu’il est bien victime d’un accident de trajet et ce, malgré l’imprudence du conducteur. A cette occasion, les juges rappellent également que : « I. - Les vitesses maximales autorisées par les dispositions du présent code (de la route), ainsi que celles plus réduites éventuellement prescrites par les autorités investies du pouvoir de police de la circulation, ne s’entendent que dans des conditions optimales de circulation : bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état. II. - Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l’état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles […] » (art. R. 413-17, code de la route ; Cour administrative d’appel de Versailles, n° 21VE00851, 23 novembre 2023).
Remarque : la cause de l’accident est sans incidence.
Le policier municipal doit avoir emprunté un itinéraire protégé
Le policier municipal doit également être sur un itinéraire protégé, c’est-à-dire sur un itinéraire que doit emprunter le policier entre son domicile et son lieu de travail. Le trajet habituel est celui qui est le plus direct, bien que les juges admettent parfois plusieurs trajets habituels (Conseil d’Etat, n°143458, 1er mars 1996). Le point de départ du trajet est le domicile de l’agent ; son lieu de travail est celui où il exerce ses fonctions. Les juges considèrent également que le lieu de repas constitue un itinéraire protégé.
Important : le trajet doit être effectivement commencé. Tel n’est pas le cas lorsque l’intéressé se trouve encore, lors de l’accident, à l’intérieur de son domicile ou de sa propriété (Cour administrative d’appel de Marseille, n° 22MA00435, 4 mars 2024). Il en est de même lorsqu’un policier fait une chute devant son garage, à l’intérieur de sa propriété (Conseil d’Etat n° 56147, 18 février 1987). C’est également le cas du policier municipal qui est au volant de sa voiture et se casse la jambe en en descendant pour vérifier qu’il a bien fermé la porte du garage. Les juges ont considéré que son véhicule était sur une pente, mais bien à l’intérieur de sa propriété (Conseil d’Etat, n° 430112, 12 février 2000). Dans une autre affaire, un policier est victime d’un accident au retour de son travail. L’agent est alors écrasé entre son véhicule et le portail qu’il venait de fermer. Si le policier soutient qu’il a été projeté sur la voie publique, il ne le prouve pas pour autant. Selon les juges, « l’accident dont a été victime l’agent s’est produit à l’intérieur des limites de la propriété où se situe son domicile. Le trajet entre son lieu de travail et son domicile étant achevé, c’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que cet accident ne pouvait pas être reconnu comme imputable au service » (Cour administrative d’appel de Marseille, n° 22MA00027, 7 mai 2024).
Le policier municipal doit éviter les détournements d’itinéraire
L’itinéraire normal peut comporter certains détours, que les juges qualifient de « nécessité de la vie courante ». L’arrêt chez un buraliste ou le boulanger est admis (Conseil d’Etat, n° 145516, 2 février 1996). En revanche, le juge considère qu’il n’y a pas d’accident de trajet si le détournement a pour raison à un intérêt personnel qui l’a emporté sur d’autres considérations ou, autrement, révèle d’un comportement aberrant. Dans une affaire, un policier se rend chez sa compagne, chute dans les escaliers et se blesse, avant de rejoindre son domicile. Il ne s’agit pour les juges pas d’un accident de trajet puisqu’aucun élément ne permet de rattacher les faits au service (Cour administrative d’appel de Douai, n° 22DA01965, 19 septembre 2023). A titre d’illustration supplémentaire, un policier municipal qui, s’estimant menacé par ses deux collègues, saute par la fenêtre et se casse les chevilles avant de retourner à son domicile ne peut pas soutenir qu’il est victime d’un accident de trajet (Conseil d’Etat, n°56576, 13/ juin 1986).
Le policier municipal qui porte secours à une personne bénéficie des garanties applicables en cas d’accident de trajet
Le détournement de trajet ne doit pas trop éloigner le policier municipal dans le temps et dans l’espace. Les juges recherchent si, compte tenu des circonstances de départ, l’accident a un lien direct avec le service. Ainsi, dans une affaire, un policier national quitte son poste avec ¾ d’heure d’avance, sans autorisation de son supérieur, en ayant transmis les consignes à l’agent chargé d’assurer la relève. Or, le policier est victime d’un accident en se rendant à son domicile dans un délai normal et en suivant son itinéraire habituel. Dans ce cas, les juges ont tendance à considérer qu’il s’agit d’un accident de service (Conseil d’Etat, n° 3520710, 17 janvier 2014), même s’ils se montrent sensibles à la spécificité de chaque cas. A cet égard, dans une autre espèce, un agent, qui devait prendre ses fonctions à 13h30, est victime d’un accident à 14h15. Invoquant une certaine liberté dans ses horaires de prise de fonctions, celui-ci ne produit que sa fiche de poste. Pour les juges, « en estimant que l’accident a eu lieu en dehors du délai normal de trajet, le président du service départemental d’incendie et de secours n’a pas commis d’erreur en refusant la qualification d’accident de trajet » (Cour administrative d’appel de Toulouse, n° 21TL03028, 28 mars 2023).
Rappel : « quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours » (art. 223-6, code pénal). Aussi, si un agent porte secours à autrui sur le chemin le menant à son lieu de travail et est à son tour victime d’un accident, les juges qualifieront alors la situation d’accident de trajet
(Tribunal administratif de Paris, n° 2119976, 28 novembre 2023).
Jean-Philippe Vaudrey le 19 septembre 2024 - n°142 de Police municipale et Pouvoirs de police du maire
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